vendredi 15 mai 2009

24 images par seconde de luttes


Culture:
Avec l’ouverture du 62 eme festival de Cannes, la croisette va autant fêter le bling-bling que la création et l’industrie cinématographique.

Or cette année on pourrait aussi commémorer les quatre-vingt-dix ans du cinéma soviétique qui apporta au septième art ses plus belles bobines tant sur le plan artistique que sur celui du combat politique.

C’est en effet le 27 aout 1919 que Lénine signa le décret historique, véritable acte de naissance du cinéma soviétique et qui plaçait
« l’ensemble du commerce et de l’industrie photographique […] sur tout le territoire de la R.S.F.S.R., sous l’autorité du Commissariat du peuple à l’Education. »
« Il faut vous rappeler fermement que de tous les arts, l’art cinématographique est, pour nous, le plus important », devait dire Lénine.

Plus qu’un acte de nationalisation d’une industrie, ce décret pose le problème et définit nettement la tache : créer un art neuf pour un public nouveau.
Devant la pénurie presque totale de pellicule (l’opérateur chargé de filmer Lénine lors d’un très important meeting ne reçut que le métrage maximum de 60 mètres), en pleine guerre civile l’aguit-film (film-affiche, film-slogan) illustrait de manière frappante des appels directs : « Engagez-vous dans l’armée Rouge », « Paysans, livrez votre blé », « Ne vous laisser pas abuser par les ennemis ! ».
Le thème de ces films était récurant : La lutte des classes sans merci .Tendancieux au maximum mais d’une tendance militante, « activement tendancieux » comme disait Maïakovski, il s’agissait de films d’une seule idée et cette idée était révolutionnaire.

Période fertile que ces années 20 pour le cinéma de l’Union Soviétique ou même les actualités filmées dans le sillage de Dziga Vertov et son Kinopravda (cinéma-vérité) ne se limitaient plus à la seule information ; imprégnées des idées communistes, elles donnaient une interprétation artistico-journalistique de la nouvelle réalité.
On retrouvera de toute évidence cette science nouvelle du montage en décembre 1925, année de la victoire lorsque battant pavillon écarlate le Cuirassé « Potemkine » de Serguei Eisenstein s’en ira voguer à travers le monde, à travers le temps et vers l’immortalité.
24 fois par secondes le cinéma à parfois été ailleurs aussi témoins des luttes et des espoirs de la classes ouvrière à l’exemple du film de Jean Renoir La vie est à nous (1936) ou dans l’enthousiasme du Front Populaire, cette commande du PC n’était pas ressentie comme une tâche ingrate mais fut acceptée comme un honneur par celui qui l’avait reçue. Démoli par une certaine critique stipendiée à la réaction et au fascisme (Bardèche, Brasillach…) il s’agit cependant d’un des plus beaux films de Renoir et qui atteint parfois au souffle épique et à la conviction des grands films soviétiques.
Dénonciation ici des 200 familles et des Croix de Feu, docu-réalité- fictions de Marin Karmitz dans les années 70 ou les ouvrières en grève scénarisent au fil du tournage leurs propres luttes (la scène d’anthologie de la séquestration du patron aurait-elle été vue par les Caterpillar et d’autres salariés en lutte ?) …

Aujourd’hui nos écrans semblent envahis par les blockbusters américains ou par l’intimisme le plus mièvre.
Fric-fric qui à fait bien souvent un fric-frac sur l’art et la création, l’argent est bien entendu roi comme ailleurs au royaume de Méliès.
Nous suivrons les résultats de la grande messe médiatique du cinéma qu’est Cannes à la recherche d’éventuels « éclaireurs d’avant l’aube ».

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