vendredi 6 février 2009

on acheve bien la LCR

On achève bien la LCR

Paru dans l’Huma du 05 fevrier 2009

Extrême gauche . L’organisation trotskiste se dissoudra ce soir, avant de se muer, ce week-end, en Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
Sans fleurs ni couronnes, les militants de la LCR enterrent aujourd’hui leur formation, à l’issue de son dix-huitième et ultime congrès, à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), sur le lieu même de la naissance du futur Nouveau Parti anticapitaliste. Un sabordage qui fait « plaisir », procure de la « joie » à ses fondateurs, Alain Krivine et Daniel Bensaïd (1). « C’est une dissolution positive, on disparaît pour renaître autrement et mieux », prédit le philosophe.
Deux mois après avoir créé la Ligue communiste, en avril 1969, Alain Krivine, vingt-huit ans, menait sa première campagne présidentielle et obtenait 1 % des voix. « On a commencé à 120 adhérents pour faire la révolution dans un pays de 41 millions d’habitants, se souvient-il. Ou il fallait être cinglés ou très motivés. » Elle est dissoute en 1973 par le pouvoir, à la suite d’une manifestation contre la tenue d’un meeting fasciste, ses militants la font réapparaître, fin 1974, sous l’appellation Ligue communiste révolutionnaire (LCR).

Pas de vague à l’âme

Sans « nostalgie » aucune, Alain Krivine dit ne pas être « accroché à un nom ou un sigle. Je vis comme une grande victoire le dépassement de la LCR en NPA. Nous sommes en train de réussir un nouvel outil politique ». Le NPA, qui revendique 9 000 militants (contre 3 200 à la LCR), tiendra son premier congrès vendredi, samedi et dimanche. « Nous effectuons, explique Daniel Bensaïd, un pas en avant dans lequel nous ne laissons pas en route les idées de la LCR, l’essentiel continuera à vivre dans le NPA. »
Pas de vague à l’âme donc, juste quelques claquements de portes et un peu d’angoisse. Rien en tout cas qui ne rend infranchissable la métamorphose de la Ligue en une formation au contour flou. « La dissolution en tant que telle ne me soucie pas, souligne Christian Picquet. Je me bats depuis des années, au sein de la LCR, pour qu’elle se dépasse dans un parti regroupant toutes les sensibilités antilibérales et anticapitalistes, une sorte de Die Linke à la française. » Or, déplore le porte-parole de la minorité Unir, « le NPA n’en prend pas la direction. Ce nouveau parti se concevra-t-il comme une fin en soi, un parti occupant, de manière plus large que la LCR, l’espace de l’extrême gauche uniquement ? Ou se veut-il un levier pour le rassemblement de toutes les forces de transformation sociale ? ».
Pour Christian Picquet, le débat d’orientation stratégique demeure le principal enjeu du congrès de dissolution. Une grande majorité s’est, certes, dégagée en faveur de la construction d’une autre formation, mais des adhérents « restent dubitatifs sur leur participation ou leur implication dans le NPA », note un document interne, craignant de « se sentir dépossédés d’une identité politique » structurante pour leur vie militante. « Certains ont peur de voir les valeurs essentielles de la Ligue noyées. C’est logique, il y a une part de pari, reconnaît Alain Krivine. Il n’empêche, les militants de la Ligue ont une formation et une expérience politiques qui leur permettent d’être décisifs par rapport à toute une génération qui arrive, très combative, mais sans culture politique. »

Un cocktail de « vieux et de neuf »

Une cohabitation de cultures différentes, qui ne semble pas effrayer outre mesure Daniel Bensaïd : « Ma génération était tout naturellement inscrite dans le mouvement ouvrier ou les récits de la résistance pendant la guerre d’Espagne ou d’Algérie. La génération symbolisée par Olivier est entrée en politique dans les années quatre-vingt-dix, après la chute du mur de Berlin. Ses références à elle sont le zapatisme ou le mouvement altermondialiste. » Le philosophe ne désespère pas de voir « ces cultures converger vers une culture politique commune ». Olivier Besancenot se veut, pour sa part, rassurant, en affirmant, à l’AFP, qu’il ne s’agit pas d’« une - rupture », plutôt d’un « mélange de vieux et de neuf ». Un cocktail à la saveur d’un « parti dont la gauche révolutionnaire a besoin au XXIe siècle ».

Ce soir, la LCR s’offre un enterrement de première classe. Le NPA héritera non seulement du patrimoine idéologique mais aussi des locaux et de l’imprimerie de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Le journal Rouge disparaîtra pour laisser place à un nouveau système d’expression multimédia associant un site Internet, un hebdomadaire et une revue théorique mensuelle.
Un legs pour mieux - démarrer dans la vie militante.
Mais la mue de la LCR en NPA se heurtera-t-elle à un rejet ?

(1) Coauteur, avec Olivier Besancenot, de Prenons parti pour un socialisme du XXIe siècle, Éditions des Mille et Une Nuits, 16 euros.

Mina Kaci

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